作詞 : Camille Clément
作曲 : Siegfried de Turckheim
J’habite dans une “hêm”, une petite ruelle de Binh Thanh 7 heures du mat, ma voisine allume son réchaud au butane Les femmes assises à même le sol découpent des légumes Les hommes s’interpellent, déambulent, rient et fument
A peine sortie de ma rue, c’est l’explosion de la ville Le défilé des scooters qui forment une seule et même file ?a crie ?a se bouscule, rien ne se tait et tout bouge A l’exception des affiches de propagande jaunes et rouges
Les vendeurs ambulants règnent en ma?tre sur la chaussée On passe commande depuis sa bécane et on l’attrape à la volée On arbore des T-shirt aux effigies évocatrices
On porte du Donald Trump ou du Dora l’exploratrice
Saigon vit dans le vacarme des deux roues
Des moteurs débridés, des clignotants, des klaxons fous Hommes et femmes de tout age pilotent les mêmes bolides Les vieux conduisent lentement et les jeunes font les ca?ds
Des sièges minuscules s’immiscent sur les trottoirs défoncés Où des oncles abattent des cartes dans les vapeurs de leurs cafés La sueur dégringole dans leurs omoplates amaigries Ils me rappellent tous mon grand-père, celui pour qui j’écris
REFRAIN :
O do o day Saigon
O do o day Saigon oi
O do o day Saigon may may
Au coucher du soleil, j’aime monter en haut d’un pont Regarder le trafic en contrebas filer comme un banc de poisson Incandescent, la nuit se couche sur Ho Chi Minh
Qui s’enfuit vers la banlieue diner avec sa famille
Ho Chi Minh ne dort pas, elle somnole sous les réverbères Gardée par les mendiants, les taxis et les grand-mères Le monstre s’endort et ronfle doucement
Ho Chi Minh ressemble au Saigon d’avant
Sauf à Bui Vien, où il fait jour au milieu de la nuit
Les couche-tards s’entassent sur les terrasses à bas prix
Les néons aveuglants se mêlent aux cris des serveurs
Des enfants vendent des mouchoirs et des femmes leurs faveurs
Parmi la foule agglutinée sur les trottoirs qui empestent
Ya la bande classique de mecs en road trip Asie du sud-est On en entend parfois gueuler leurs commandes comme des colons Aux serveuses qui parlent pas anglais et qui n’ont jamais pris l’avion
A elles leur boss a répété que l’homme blanc était roi
Au royaume des aveugles on pense d’abord à ses fins de mois Ils leur glisseront des gros billets pour égayer leur solitude Les plus fières diront non, mais d’autres prendront pour leurs études
Quand je vois ?a j’ai la nausée, ?a faisait p’têtre partie du voyage Voir une fille, comme moi, pas la même vie mais le même age Sentir inscrit dans mes traits l’exil européen
Détourner le regard sans pouvoir oublier le sien
REFRAIN
On est les privilégiés, les traitres ou les clairvoyants
Certains en veulent aux laches qui ont fui un pays en sang D’autres me disent qu’ils sont fiers de nous voir revenir
On n’a pas choisi de na?tre ailleurs mais on construira peut-être l’avenir
On nous appelle Viet Kieu, vietnamiens d’outre-mer.
Quand on discute on pose toujours les mêmes questions amères ?a fait combien de temps que t’es ici ? T’as repris le nom de ton père ? C’est ta première fois au pays ? Vous êtes partis pendant quelle guerre ?
Parfois j’sais pas ce que j’ai, j’ai le c?ur lourd et l’alcool triste L’impression de prendre des bouts de ma vie et jouer à Tetris. Métisse prénom sans initiale, drapeau sans territoire
J’me dit métisse quand j’me sens plut?t l’air hybride ou batard
Que ce soit en France ou au Vietnam, je suis moitié là-bas moitié d’ici Tout le monde voit en moi les 50% qui viennent de l’autre pays. Puis d’autres fois je crois sentir au contraire les morceaux qui s’assemblent De retour à Paname je découvre un ensemble
Des bricoleurs génétiques aux identités en kit
D’ADN bigarrés, d’amoureux en mosa?que
De sang mêlés naissants, d’autres joueurs de Tetris
De pères et de mères qui construisent un monde métis.